Sunday, May 29, 2011

African Power : Chapitre 5, Un peu de perspective

Chapitre 5 : Un peu de perspective

Si vous avez lu tous les chapitres de cette série vous devez peut-être vous dire qu’on a vécu une mauvaise expérience en Afrique de l’Ouest. Il faut avouer que cette expérience ne fut pas telle qu’on se l’était imaginée avant de partir. Il faut aussi avouer que nous l’avons trouvé difficile par bouts et que certaines expériences ont été désagréables sur le coup.

Mais en rétrospective, comme le dirait Piaf, nous ne regrettons rien. Nous avons certainement appris beaucoup de ces expériences, nous faisons ce voyage pour vivre des émotions et bien nous avons été servis. Aujourd’hui c’est certain que nous n’agirions pas de la même manière avec le consul ghanéen, nous aurions été plus incisif avec la préposée à l’ambassade et je pense qu’on n’aurait pas pu faire mieux avec le Ti-Boss des autobus.

J’ai déjà mentionné qu’on peut prendre plaisir à tout ça, on a d’ailleurs un malin plaisir à conter de petites mentries à certains pour qu’ils nous fichent la paix… à Rome on fait comme les romains ! S’imposer et se faire respecter peut aussi être très satisfaisant. À Togoville par exemple, on s’est fait apostropher par un villageois qui nous reprochait de ne pas avoir engagé de guide. Au début du voyage, j’aurais été intimidé et choqué de son comportement. Mais maintenant, je lui ai reproché son attitude et son aggressivité inutile envers nous. Étonamment, c’est très satisfaisant !

Nous sommes finalement revenus au Ghana. Pendant 3 semaines on a angoissé à l’idée de ne pas pouvoir passer la frontière et de perdre notre billet d’avion. Mais non, nous sommes débarqués à la frontière et on a demandé un visa de transit. Les agents d’immigration semblaient bien embêtés au début car disaient-ils, ils ne délivrent pas ce genre de visa à la frontière (contrairement à ce que la préposée à l’ambassade nous a dit). Malgré tout, ils ont réussi à nous accomoder et ils nous ont « gossé » un visa de transit, moyennant un petit 10$ US en dessous de la table. Ça aussi c’est l’fun, on voit qu’il y a moyen d’arriver à ses fins, faut juste rester Zen (ma nouvelle résolution, c’est dur pour un Gagnon) et avoir un peu d’expérience.

Encore une fois je le répète, nous avons vécu des moments plus pénibles en Afrique de l’Ouest c’est vrai, mais ce sont des anecdotes. Nous avons aussi fait de belles rencontres, vu des choses que nous n’avions jamais vu, nous avons été très dépaysés. Nous garderons de bons souvenirs de notre séjour ici. De plus, ce bagage et ces expériences nous resteront. Quand on sera revenus dans notre vie et dans notre routine on se rappellera comment on avait eu de la misère à obtenir notre visa de l’Inde et on en rira et on sera nostalgiques et on voudra repartir aussitôt en voyage. Aussi, il faut faire confiance à la vie, le fait qu’on a un visa plus court pour l’Inde nous force à envisager d’autres options, présentement on regarde pour peut-être aller au Sri-Lanka ou en Chine durant la période où nous serions normalement restés en Inde. Qui sait, peut-être vivront nous des expériences encore plus enrichissantes de cette façon.

Aujourd'hui nous quittons l’Afrique de l’Ouest pour le Kenya, on passe à l’Est ! Malgré toutes nos mésaventures ici, on a un petit pincement au cœur de partir. Nous sommes maintenant adaptés aux mœurs et on aime bien être ici. Normalement, on arrive dans un pays et on repart de ce dernier pour retourner chez nous. Maintenant, on a à la fois la fébrilité de découvrir un nouveau pays mais aussi la nostalgie d’en quitter un. C’est très spécial !

Enfin, j’aimerais reprendre ce que notre muse Bruno Blanchet a dit dans un de ses livres ; Lorsque questionné sur le meilleur conseil à donner aux voyageurs, il n’a que pour réponse : Arrangez vous avec vos troubles ! C’est ce qu’on a fait en Afrique de l’Ouest et on est bien contents que ce soit ainsi.

African Power : Chapitre 4, Le « boss » du syndicat de taxi togolais

Après quelques jours à Lomé, on décide de partir dans la petite ville de Kpalimé, un peu plus au nord. On se rend donc à la station d’autobus. On fut surpris de revoir le couple d’américains rencontrés la veille. En discutant un peu, on apprend qu’ils vont aussi à Kpalimé.

La manière dont ça fonctionne au Togo, c’est un peu comme au Ghana. C'est-à-dire que dès qu’il y a assez de monde pour remplir un minibus (14 personnes) on part. Mais pas avant. Ce qui peut représenter plusieurs heures d’attente. Par-contre, il est aussi possible de partir en voiture. Il faut alors 6 personnes (oui oui, 6 personnes plus le chauffeur, 4 derrière et 2 devant). Comme on veut partir plus vite, on s’entend avec le couple pour acheter les 2 autres places dans la voiture, en plus de partir plus vite, on sera plus confortable. Marché conclut, on achète les billets, on mets les sacs dans le coffre et on s’asseoit dans la voiture. Ne manque plus que le chauffeur et on part !

Je dois mentionner qu’à notre arrivée, un groupe de 3 personnes sont arrivés. C’étaient des joueurs de soccer avec leur entraîneur. Ce dernier semblait très pressé de partir et il le criait littéralement par la tête des responsables du transport. Après avoir été assis dans le taxi, nous l’avons vu gueuler à quelqu’un en Ewe, la langue du Togo. Il avait l’air insatisfait que l’on quitte le bus car il savait dès lors qu’ils partiraient plus tard. Après quelques minutes, un homme vient ouvrir le coffre et tente de sortir nos sacs. On s’y oppose et demandons ce qui se passe. Un autre homme vient nous voir, très agressif et nous crie après :

« - Il faut prendre le bus

- Mais non, nous avons acheté toutes les places, on a payé et maintenant on part.

- Non, c’est moi qui contrôle ici et vous prenez le bus.

- Mais monsieur, pourquoi ? On a acheté toutes les places de ce taxi.

- Vous ne comprenez pas ou quoi ? C’est moi qui contrôle ici et vous devez prendre le bus.

- Ce qu’on comprend monsieur c’est qu’on a acheté les 6 places de ce taxi et qu’on veut partir maintenant.

- Non, la voiture est en mauvais état. Elle ne peut pas partir.

- Quoi ? Ça sort d’où ça ? C’est la voiture de taxi la plus en ordre qu’on a vu au Togo.

- VOUS NE COMPENEZ RIEN. C’EST MOI QUI CONTRÔLE ICI. »

Ca y est. Je me suis mis à voir rouge. Dans un bleu comme on dit. Je sens le sang me monter à la tête, l’adrénaline me pomper dans les veines, je pète une coche. Je me mets à lui crier après.

« - VOUS N’AVEZ PAS D’AFFAIRE À NOUS CRIER APRÈS MONSIEUR.

- VOUS ALLEZ ME PARLER CALMEMENT OU PAS DU TOUT

- C’EST TU CLAIR OSTI ? »

L’homme a un peu figé, il a considéré ce que je venais de lui dire et il s’est un peu calmé. Il m’a parlé doucement pendant 2 minutes avant de recommencer à crier après tout le monde. De mon côté, j’ai réalisé que ça ne vallait pas la peine de s’énerver, mais j’avais tout de même établi ma limite.

Pendant que l’américain négociait avec le Ti-Boss, je suis allé parlé avec le chauffeur, il m’a expliqué qu’il était prêt à partir, mais que Ti-Boss l’en empêchait. Je lui ai demandé si on pouvait l’engager directement, il a dit que oui. Parfait, maintenant, il faut réussir à se faire rembourser. Après quelques minutes de négociation nous sommes tous sortis de la voiture et nous sommes faits rembourser les 2 places supplémentaires que nous avions achetées pour louer la voiture. Le « deal » était que si l’autobus ne se remplissait pas dans les 5 prochaines minutes, nous partions même s’il manquait des gens. Sinon, on nous rembourserait. On donne donc nos bagages, on s’installe dans le bus et qui voit-on sacrer son camp dans une autre voiture ? Notre Ti-Boss de syndicat qui se sauvait. Vous ais-je déjà dit qu’il ne faut jamais croire un togolais ?

10 minutes plus tard, je vais voir l’homme au comptoir qui vend les billets et lui explique que l’on avait une entente, que le 5 minutes était excédé et qu’on voulait être remboursés. Il me disait qu’on était trop pressés et que ça ne faisait pas 5 minutes, après avoir fermement insisté et demandé un remboursement des 4 personnes dans le bus, il s’est mis à parler en Ewe à un autre. Ce dernier monte sur le toît du bus et commence à attacher les bagages.

« - Tu vois, on attache les bagages, le bus va partir maintenant.

- Bon, finalement. »

Je me rasseoit dans le bus et quelques temps plus tard, le moteur démarre. On ferme la porte et on part. 5 mètres plus loin, le véhicule arrête et le conducteur coupe le moteur. Le placier ouvre la porte.

« - Chauffeur, on part. Qu’est-ce qui se passe ?

- On attend de remplir le bus.

- Quoi ? »

Vous ais-je déjà dit qu’il ne faut jamais croire un togolais ?

Donc pour faire une longue histoire courte, parce que ça s’étire ici. Il a fallu acheter 2 bancs supplémentaires dans l’autobus pour partir plus vite. Ça nous a donc coûté le même prix que pour le taxi, mais pour l’autobus (beaucoup moins confortable) et pour partir 1h30 plus tard.

Donc, j’imagine que vous voyez où je veux en venir ; cet homme qui avait le pouvoir de décider ce que nous allions faire cet jour là l’a exercé de la manière la plus aggressive qu’il pouvait. Nous avions payé, tout était OK, on était prêts à partir. Il a vu une opportunité de dicter ce que nous allions faire afin de parvenir à ses fins (ici de satisfaire un autre client chialeux) et il l’a saisie tout de suite. On remarque aussi une constance dans l’attitude des gens lorsqu’ils s’affirment ainsi, ils deviennent aggressifs et très dominants. Nous avons vécu d’autres expériences de la sorte que je ne citerai pas ici mais c’est un élément qui fut aussi remarquable.

Il a ajouté à tout ça en nous mentant à plusieurs reprises pour arriver à ses fins. Ça c’est un autre aspect avec lequel il faut apprendre à vivre ici. Mais ceci dit, les togolais sont beaucoup plus forts sur la menterie que les ghanéens.

Je crois que c’est à partir de cette expérience que j’ai réalisé ce qui se passait, comment ça fonctionnait. J’ai regardé l’américain aller avec le Ti-Boss lorsqu’il lui parlait et j’ai profité de ses 7 mois d’expérience au Togo. J’ai réalisé qu’ici, tout fonctionne différemment de chez nous. Il faut tout négocier et c’est parfois très long. Il ne faut pas lâcher le morceau. Tout ça peut même être amusant.

Déprimant tout ça ? Non, seulement un peu déstabilisant. Je vous invite à lire le dernier chapitre de cette série pour savoir ce qu’on retire de ces situations.

African Power : Chapitre 3, L’ambassade Ghanéenne & le couple américain

Nos plans initiaux prévoyaient qu’on irait au Kenya et en Inde après avoir visité le Ghana et le Togo. Nous avons vérifié le prix des billets d’avion et on sauvait beaucoup d’argent en partant d’Accra au Ghana. Nous avons donc acheté un billet en départ d’Accra, sachant par contre que l’on devrait revenir au Ghana après le Togo pour cette raison. Le hic c’est qu’on avait un visa simple entrée pour le Ghana. Prévoyants voyageurs que nous sommes ( ! ) nous nous sommes rendus à l’immigration ghanéenne à Accra pour savoir si on pouvait demander tout de suite un nouveau visa ou un transit qui nous permettra de revenir au pays pour prendre l’avion après notre périple au Togo. L’agent que nous avons rencontré nous a informé que nous devions nous rendre à l’ambassade du Ghana au Togo et qu’il ne pouvait rien faire pour l’instant.

Les jours ont passés et nous nous sommes rendus au Togo. Lomé étant très proche des lignes du Ghana, nous avons profité de l’occasion pour y rester quelques jours afin de régler nos affaires de visa ghanéen.

En fouillant un peu sur internet, on se rend compte que l’ambassade du Ghana au Togo ne délivre plus de visas aux non-résidents du Togo et ce depuis janvier 2011. On devient un peu inquiets mais on se dit que l’agent d’immigration du Ghana ne nous aurait pas dit de venir ici si l’ambassade ne pouvait pas nous délivrer de visa, non ? On se rend donc sur place et on est accueillis par une femme derrière le comptoir. Le dialogue qui suit n’est pas tout à fait exact mais il résume bien la discussion.

« - Bonjour, on vient pour demander un transit pour prendre l’avion au Ghana.

- Vous êtes résidents du Togo ?

- Non.

- L’ambassade ne délivre pas de visa aux non résidents. »

À ce moment, la femme se lève et sort de la pièce, sans rien nous dire. On attend patiemment. Elle finit par revenir quelques minutes plus tard.

Elle était très agressive et elle criait presque après nous.

« - Je vous ai dit que nous ne délivrons pas de visa aux non résidents.

- Mais l’immigration du Ghana nous ont dit de venir ici.

- Pourquoi êtes vous sortis du Ghana ?

- Pour visiter le Togo.

- Pour visiter ? Vous êtes idiots d’être sortis du Ghana.

- Mais madame, de toute façon malgré notre visa de 60 jours, on a du sortir après 30 jours. (voir chapitre 2).

- Vous ne comprenez rien ou quoi ? Je vous dit que l’ambassade ne délivre pas de visas aux non résidents. Vous êtes idiots de ne pas comprendre ça. »

À ce moment, elle se met à appeler les autres clients qui attendent. Sans nous regarder, elle sert tous les autres clients. Elle est aussi aggressive avec eux qu’elle l’est avec nous. Les gens semblent découragés et choqués de son attitude et du manque d’efficacité de cette ambassade. Parmis ces gens il y avait un jeune couple qui cassait le francais, visiblement de l’anglais. Ils semblaient découragés de la manière dont elle nous parlait mais ils ont donné leur formulaire et ils sont partis. Nous, on reste à notre place, plantés devant son comptoir pendant tout ce temps. Une fois qu’elle a servi tout le monde, on recommence à lui parler :

« - Bon, maintenant madame, pouvez-vous répondre à nos questions ?

- Allez-vous passer toute la journée à me déranger comme ça ?

- On ne vous dérange pas madame, vous faites votre travail.

- … Ce n’est pas une raison pour me déranger. Revenez le 27 pour demander un transit.

- Vous allez nous délivrer un transit le 27 ? Je pensais que vous ne délivriez pas de visas aux non résidents.

- Peut-être que le consul vous entendra à ce moment.

- Est-ce que c’est possible de lui parler maintenant ?

- Non.

- Ce n’est pas possible de prendre un rendez-vous, on peut attendre toute la journée s’il le faut.

- … Non … Vous irez à la frontière pour demander votre visa.

- Ah bon, on peut aller à la frontière ?

- Oui. Maintenant arrêtez de me déranger.

- Est-ce que toutes les frontières délivrent des visas ?

- Oui.

- Vous êtes certaine ?

- Pourquoi vous me dérangez encore avec ces questions ? Vous comprenez rien ou quoi ? Ne me posez pas cette question, je ne sais pas.

- Mais vous venez de me dire d’aller à la frontière !

- ... oui oui, allez à la frontière. »

À ce moment précis, on a réalisé qu’elle disait n’importe quoi pour se débarasser de nous et que ça ne vallait plus la peine d’essayer quoi que ce soit.

« - Très bien. On reviendra le 27. Merci pour votre courtoisie madame. »

À notre hôtel au souper, on a revu le couple anglophone. Ils logeaient au même endroit que nous, on a discuté un peu de ce qui s’était passé. Ce sont deux américains qui sont au Togo pour 2 ans pour faire de l’aide humanitaire, donc ils pouvaient avoir un visa pour le Ghana.

Encore une fois, pourquoi cette femme a agi de cette manière avec nous ? Elle n’est qu’une réceptionniste qui aurait bien pu nous expliquer tout ce qu’elle nous a dit de manière courtoise. Elle aurait même pu nous arranger une rencontre avec le consul, on l’avait déjà fait au Ghana. Non, elle a affirmé son autorité, son « pouvoir » sur nous. Dans sa tête, elle ne faisait pas son travail, on la dérangeait. Telle une supérieure qui doit discuter avec son subordonné. C’est ce que j’ai ressenti, elle tentait d’être supérieure à nous, elle criait et elle était agressive. Intéressant non ?

Bon, nous n’avions pas de visa pour le Ghana et cette situation nous stressait beaucoup. On a évalué différentes options auprès de Voyages Abitibi pour voir comment on pourrait déplacer le vol ou l’annuler. Finalement on réalise que ça coûterait très cher et qu’il faut absolument prendre notre vol. On se faisait du sang de cochon pour ça et on déprimait un peu.

Il faut aussi dire que dans les jours qui ont suivi notre arrivée à Lomé, nous avons eu le temps de découvrir les différences entre le Ghana et le Togo. L’une d’elle qui nous a frappé mais qu’on a appris à la dure, c’est qu’au Togo, tu ne peux jamais te fier à ce que l’on te dit. Le « mensonge » fait littéralement partie de la culture ici. C’est étrange et très déstabilisant, ce thème pourrait faire partie d’une chronique entière mais en gros, si l’on te dit une chose il faut en douter. On finit par s’habituer et à comprendre un peu comment ça marche mais lorsqu’on recherche une information essentielle comme « comment on peut avoir un visa ghanéen » c’est pas idéal.

On a tout de même quitté Lomé pour se rendre à Kpalimé, une ville plus au nord mais tout de même près de la frontière avec le Ghana. Nous avons rencontré un togolais, qui se disait guide et employé de l’hotel et ensuite membre d’une association de guides et que son père est mort (je vous disait qu’il ne faut jamais croire ce qu’on nous dit). Enfin, on décline toutes ses invitations à faire des visites et lorsqu’on le recroise 2 jours plus tard on finit par lui expliquer notre problème de visa.

« - Vous voulez un visa du Ghana ?

Si vous voulez je vous emmène à la frontière.

Mon père travaille aux douanes togolaises (il a dû oublier qu’il nous avait dit qu’il était mort !).

Je vais l’appeler, il connait bien les douaniers du Ghana. Ça va prendre 10 minutes.

Je vous ammène à moto et on règle ça dès aujourd’hui si vous voulez.

- Ah bon c’est vrai ça ? Pour combien ?

- Ça prendra 2 motos… 10,000 FCFA (20$ CA).

- C’est cher mais c’est O.K. »

On était tellement contents d’avoir de l’aide pour régler ce problème qu’on n’a même pas essayé de négocier le prix exhorbitant qu’il nous demandait.

On s’est donc rendus à la frontière. Il ne connaissait personne là bas, il n’avait appelé personne et on n’ pas pu avoir notre visa. Par contre, on a pu discuter avec les agents ghanéens qui ont bien voulu répondre à nos questions et qui ont confirmé qu’on pouvait obtenir un transit à la frontière. On a même pris le nom et le numéro de téléphone de l’un d’eux au cas où.

Pour ce qui est du guide togolais, ça nous a coûté un peu cher, mais on a fait un magnifique tour de moto de 2 heures dans la campagne togolaise, cheveux au vent (non non, on ne porte pas de casque au togo ;). Juste la balade vallait bien le 20$, mais on a tout de même confronté le guide à l’arrivé pour lui dire qu’il nous avait mené en bateau.

On traversera la frontière bientôt, on espère que tout ira bien et qu’on ne goûtera pas trop au African Power du côté du Ghana !

African Power : Chapitre 2, L’agent d’immigration ghanéen

Nous sommes à la frontière du Togo. Lorsqu’on sort du Ghana, comme dans tous les pays, il faut les avertir qu’on quitte le pays. On rencontre donc une militaire qui examine notre passeport.

« - Vous avez excédé de 2 jours le temps qui vous avai été alloué dans le pays.

- Mais non, nous avons un visa de 60 jours et nous avons été ici 32 jours.

- Oui, mais à votre arrivée au Ghana on vous a alloué seulement 30 jours, regardez… »

Elle nous montre alors l’étampe d’entrée que l’agente d’immigration avait estampillé dans notre passeport à l’aéroport. À l’intérieur de l’étampe, il y avait le chiffre 30 d’écrit à la main… presque illisible. Elle part donc avec nos passeports dans un bureau à côté et nous demande de la suivre. On devient un peu nerveux, c’est jamais rassurant les problèmes d’immigration. Dans le bureau, il y a un militaire, visiblement un supérieur qui regarde notre passeport en s’addressant à nous :

« - Vous avez dépassé le temps qui vous avait été alloué.

- Mais monsieur, on ne comprend pas, si vous regardez le visa il est de 60 jours.

- Oui mais regardez l’étampe, on vous a alloué 30 jours seulement. Nous avons nos propres règles.

- Mais comment on pouvait le savoir, personne ne nous a rien dit. Le visa disait 60 jours alors on pensait 60 jours. C’est un malentendu.

- Nous avons nos propres règles. »

Il a pris quelques secondes pour regarder notre visa et notre passeport et il n’a pas fait de cas de notre situation. Il a simplement estampillé notre sortie, sans écrire rien de spécial, et on a pu partir. Heureusement que nous ne sommes pas restés plus longtemps au Ghana !

Alors donc, pourquoi l’agent d’immigration à l’aéroport à agi ainsi ? Était-ce encore une fois l’affirmation d’un certain pouvoir sur nous ? Elle était en quelque sorte maître de notre séjour au Ghana et ce même si les autorités ghanéennes au Canada avaient déjà statué sur ce sujet. Non, elle pouvait affirmer son pouvoir et réduire notre durée de séjour, juste comme ça, juste parce quelle en décidait ainsi. Et c’est ce qu’elle a fait, sans même nous adresser la parole.

Ceci dit, je me permets un commentaire. Comment un pays peut-il se couper du revenu « gratuit » qu’est le tourisme ? Certains pays en font la base de leur économie par dépit. Il me semble que les pays d’Afrique devraient pousser là-dessus, c’est de l’argent frais qui arrive dans le pays sans aucun investissement de leur part. La chose est simple : facilitez l’accès au pays aux étrangers qui viennent dépenser. Comment voulez vous qu’un touriste ou qu’une agence planifie un voyage dans un pays s’il a toujours cette menace de devoir partir plus tôt. Ce n’est pas en coupant la durée du visa en deux ou en refusant de donner des visas dans les ambassades que le tourisme sera stimulé, au contraire. Est-ce par manque de vision des dirigeants ou est-ce pour l’affirmation d’une souveraineté et d’un pouvoir stimulés par les stigmates de la colonisation et d’années d’esclavage ? Remarquez que ça pourrait se comprendre jusqu’à un certain point.

Encore une fois, c’est probablement bien plus complexe et probablement que je n’y comprend rien. Mais c’est tout de même mon feeling.

Friday, May 20, 2011

Escapade en forêt au Togo

Nous avions lu dans le guide qu’il était possible de faire un “safari” papillon dans la petite ville de Kouma-Konda avec un certain Prosper Papillon. Kouma, est perché dans les montagnes. Nous avons pris des moto-taxis pour s’y rendre (au Togo on roule en moto !), le paysage était magnifique.

Nous avions environ 20 minutes de retard sur le rendez-vous fixé la veille, pas de stress, on est en afrique, le lunch n’était pas encore tout à fait prêt. Ça nous a permis de faire un petit tour du village. Les habitants ont peint les volets et les portes des maisons, ce qui donne un air festif.
À notre retour à l’Auberge Papillon (que voulez-vous c’est un concept), Prosper nous dit que certains insectes sont difficiles à voir à l’état naturel, ce pourquoi ils font des chasses. Ce matin là, il avait un scorpion et des phasmes à nous montrer. Prosper manipulait le scorpion sans aucun stress, ce qui a mené Jean-François a demander pour le prendre aussi. Après un premier refus, Prosper a finalement demandé à Jean-François de tendre la main et y a déposé le scorpion qui s’y est allègrement promené. Vidéo à l'appui!


Comme je gardais une distance de 5 pieds avec la bête, il ne m’a pas fait la même proposition… Prendre les photos c’était suffisant pour moi ! Je me suis plus amusée avec les phasmes, grandes bêtes qui se prennent pour des branches.


Quand on les presse un peu, elles sentent un danger et déploies leurs ailes pour faire un bruit de sac brun qu’on chiffonne.


Un bon petit café fait avec des grains locaux et c’est le départ pour la randonnée. Nous sommes prêts, Prosper a le lunch et son grand filet à papillons. En marchant dans le village je lui demande combien de personnes y habitent :

« Kouma-Konda est un petit village de 360 personnes plus un rasta man, c’est donc 361 personnes. Hahaha »

On a droit à un petit farceur ! Il faut dire que le rasta-man était assis tout près de nous.

La région est fertile et on y fait plusieurs cultures. Dès le départ on croise un cacaoyer, Prosper ouvre une cabosse y plonge les doigts et en sort des grains enrobés d’une substance blanche qui nous semble gluante et gélatineuse, douteuse quoi ! « Il ne faut pas croquer, sucez-les. » On ferme les yeux et on met quelques grains dans notre bouche. Plus de peur que de mal, c’est délicieux, ça goute le bonbon !

On reprend notre chemin, sur une route qui grimpe dans la montagne pour ensuite prendre un petit sentier. Prosper nous explique alors que nous sommes sur les terres qui appartenaient à son père. Il tente maintenant de reboiser certaines parties et d’introduire des cultures plus durables. On voit vite qu’il est un amoureux de la nature et qu’il est dans son élément.

La chasse aux papillons et aux insectes.


Tout le long de la promenade qui a durée quelques heures, Prosper est aux aguets afin de capturer des papillons mais aussi certains insectes bien étranges. Comme cet insecte (de la famille des long horns) qui, lorsque nous les attrappons se mettent à faire des cris de détresses. Leurs cris ont vraiment des intonnations de voix d’hommes miniatures que l’on entend dans les films.
On a aussi rencontré des insectes, qui selon nous avaient mis leurs masques africain. Les photos parlent d’elles mêmes !


Sur la route on a aussi été attaqué par une horde de fourmis. Il y en avait sur une dizaine de mètres. Quand Prosper s’en est appreçu il a crié « COUREZ ». Après la petite course de santé, on s’active à retirer les bêtes. Nous nous sommes tous les trois fait piquer et elles sont voraces, elles s’agrippent !

L’artiste

Prosper est aussi un artiste peintre qui utilise des teintures végétales. Il nous montre un petit arbuste, y cueille quelques feuilles qu’il écrase. Un jus d’un vert intense en sort. Il sort un callepin et nous dessine un palmier avec ses doigts.

Plus tard c’est avec de jeunes feuilles de Teck qu’il nous dessine un symbole d’un rouge marron. Il nous dira plus tard que ce symbole signifi la fertilité.

Finalement, il découpera un morceau d’écorce d’un arbre d’où coulera une sève d’un orangé éclatant. Il m’a fait un petit rond sur la main, il y est demeuré pendant quelques jours, il est finalement parti en frottant avec beaucoup de vigueur.


Nous avons eu droit a un delicieux diner sur les rives d'un ruisseau. Au menu, poulet bicyclette, sauce aux légumes épicés, frites d'arbre à pain et beignets.
Petit Lexique:
Poulet bicyclette: poulet de petite taille, viande coriasse. Très populaire au Togo.
Arbre à pain: ça demeure un peu un mystère, il semble que c'est le fruit de l'arbre à pain (Google pourra vous en dire plus). Texture dense. rapellant le manioc, c'est très bon.

Ce fut une journée extraordinaire, il y aurait encore tant à dire, mais nous nous gardons des choses à raconter au retour. Allez parcontre voir les autres photos de cette journée que nous avons mis dans l'onglet photos. Le lien se trouve au haut de la page, en dessous du titre du blogue.

African Power : Première Partie

Il y a quelques jours, j’étais très en colère. Je pensais écrire un article pour me défouler car j’avais envie de vous « garocher » notre histoire et de vous laisser à votre propre jugement. Bien sûr, ce texte aurait été biaisé et votre analyse l’aurait été tout autant.

Mais quelques jours ont passés, nous avons vécu d’autres aventures qui m’ont permis de relativiser, de voir la chose sous une autre perspective et bien sûr de me calmer un peu. Je vais donc plutôt vous réciter nos aventures en lien avec le titre de cet article et source de ma colère.

Aussi, je pensais initialement faire un seul article mais il aurait été long et un peu aride. Je voulais réciter toutes nos épisodes pour ensuite commenter à la fin. Marjori m’a donc suggéré de faire une série d’articles, je vais donc poster chaque épisode indépendamment et commenter chacun d’eux.

Cette série d’articles se titre African Power, ce n’est pas pour rien. Ce que j’essaierai de vous communiquer c’est notre analyse de l’expression du pouvoir sous toutes ses formes en afrique depuis le début de notre périple. En effet, nous nous sommes souvent retrouvés dans des situations plutôt désagréables et dont l’occurrence était plutôt inexplicable. Après réflexion et discussion entre nous, on s’est rendus compte que le dénominateur commun à toutes ces expériences était l’expression d’un certain pouvoir d’une personne sur une autre ou sur un groupe. Comme si ici c’était bénéfique voir nécessaire pour une personne d’exercer son pouvoir, aussi minime puisse-t-il être, dès qu’une occasion se présente. Je sais que je joue au sociologue ici (et oui, c’est vraiment pour m’amuser que je fais ça, je ne me prends pas au sérieux), champs dans lequel je n’ai aucune compétence et tout ce que j’écrierai dans cette série n’est que pure fabulation de ma part et est sans prétention. C’est un récit de ce que je vis et comment ça se passe dans ma tête. Je vous invite donc fortement à donner votre opinion dans la section commentaires, ça pourra être amusant et intéressant !

Finalement, vous remarquerez que ces histoires sont en général des expériences qui nous ont été désagréables sur le coup. Je tiens à dire que le temps arrange les choses et que malgré ces petits épisodes négatifs nous faisons un voyage extraordinaire et que la majorité de nos aventures sont positives. Il est toujours plus facile de raconter les anectodes que la normalité.

Intrigués ? Voici notre petite histoire :

Chapitre 1 : Le Consul Indien

Comme vous le savez peut-être, nous avons fait une demande de visa indien de 6 mois, multiple entrées au consulat indien à Accra (au Ghana). Nous avions laissé notre passeport et sommes retournés le 5 mai dernier, tel qu’il nous avait été demandé, pour récupérer le tout. Nous arrivons tôt le matin, la réceptionniste nous informe que tout est O.K. et nous demande de payer le visa (environ 55$ CA). On s’exécute et elle nous dit de revenir à 15h00, que ça serait prêt. Parfait, on a finalement réussi ! Une fois revenus à l’hôtel, un petit détail retiens notre attention, sur le reçu qu’elle nous remet il est écrit « 3 months » au stylo. On s’interroge un peu mais on se dit que ce doit être autre chose car on a bien rempli notre formulaire et que tout était correct.

Ils nous l’auraient dit s’il y avait eu un problème. Non ?

De retour à l’heure prévue, on nous redonne notre passeport. Surprise, nous avons un visa de 3 mois, simple entrée et qui commence à courrir dès maintenant. Il expire donc tout près d’un mois après notre entrée en Inde. Bon… on peut pas laisser ça comme ça. On s’adresse donc à la dame au comptoir

« - Il y a un problème ?

- Oui, c’est un visa simple entrée…

- C’est à discrétion du consul.

- Quoi ? Mais ça change tout nos plans.

- C’est à sa discrétion.

- Mais les dates ne fonctionnent pas, le visa expire avant la fin de notre voyage ! »

S’en suivit un regard hargneux et un soupir forcé.

« - Asseyez vous et attendez. Combien de temps voulez-vous passer en Inde ?

- Minimum 3 mois.

- Quoi ? Pourquoi ?

- …. Euh parce que.

- Attendez. »

À ce moment on se dit que c’est une simple erreur. Que le consul va corriger tout ça et qu’on va pouvoir alller prendre une bonne bière froide sur la terrasse. Quelques minutes plus tard, on nous appelle et on nous fait passer dans le bureau du consul. Un homme petit et trappu, de race indienne (selon Marjori, moi je pensais qu’il était ghanéen) arborant la moustache et des lunettes s’y trouve.

« - Je peux vous donner une extension de 1 mois, jusqu’au 5 septembre.

- Mais pourquoi, nous avons demandé un visa de 6 mois multiple entrée et vous nous donnez un visa simple entrée de 3 mois.

- L’Inde ne délivre plus de visas de 6 mois.

- Quoi ?

- L’Inde ne délivre plus de visas de 6 mois depuis le 11 septembre, à cause du terrorisme.

- Marjori : Mais c’est impossible, ma cousine est allée en Inde 6 mois, elle est revenue ça fait même pas un mois.

- Non.

- Non ? Comment ça non ?

- Non.

- Mais on est certains que les visas de 6 mois existent encore monsieur.

- Je peux vous donner le 5 septembre. OK ?

- Est-ce qu’on pourra le proroger dans le pays ?

- Non. Le 5 septembre c’est OK ?

- Vous pouvez pas nous donner jusqu’au 15 ? C’est seulement 10 jours de plus et ça ferait notre affaire.

- Non. C’est OK ?

- C’est pas OK. Mais est-ce qu’on a d’autres options ?

- Non.

Le 5 septembre c’est OK ?

- C’est pas OK mais on n’a pas d’autres options… »

Finalement, nous sommes sortis de son bureau, un peu déboutés, avec un visa pour l’inde trop court et ne nous permettant pas de sortir et de revenir au pays. J’étais très fâché car cet homme venait de changer nos plans sans raison. Absolument sans raison car lorsqu’on va sur le site web de la haute commission indienne au Ghana, on voit clairement qu’ils délivrent des visas de 6 mois multiples entrées comme on l’avait demandé.

Il nous a donc menti en pleine face lorsqu’il nous a dit que l’Inde n’émettait plus de tels visas suite au 11 septembre. Il avait le pouvoir de nous donner 10 jours de plus sans problèmes. Mais voilà, je l’ai dit, il avait le Pouvoir.

Pourquoi a-t-il fait ça ? On pense qu’il s’est peut-être trompé au départ lorsqu’il a fabriqué le visa. De le reconnaitre devant nous, deux blancs étrangers c’était trop. La fièvre du pouvoir lui a pris, il n’a pas pu s’empêcher de nous imposer SA décision. Il avait une occasion en or d’être supérieur, d’être plus fort, d’être le maître de notre destin (oui, j’avoue que le mot est un peu fort).

De notre côté, c’était notre premier contact avec ce phénomène. Nous n’étions pas préparés et nous ne nous sommes pas défendus. Je suis une personne qui déteste les injustices peu importe à qui elles arrivent. Je suis sorti déçu d’avoir à changer nos plans pour l’Inde mais aussi très frustré après moi-même de ne pas avoir su me défendre.

On a donc décidé que ça n’allait pas en rester là, rendus en Inde, on va leur expliquer ce qui s’est passé et ils vont corriger tout ça. Afin de me préparer un peu, j’ai décidé d’appeler l’ambassade indienne au Canada à Ottawa afin qu’ils puissent m’indiquer la démarche à suivre. J’appelle donc et j’explique à la personne notre situation. Lorsque je lui demande ce que je peux faire, elle me répond qu’elle ne commentera pas et elle me raccroche au nez ! Quoi ? Merde tu es au Canada, c’est pas une république de banane. Incroyable !

Ce fut le clou dans le cercueil. À ce moment je croyais me rendre compte de l’ampleur de la bête à laquelle je m’attaquais, mais l’avenir nous montrera que je n’en avais aucune idée.

Ce qu’on retiens de cette expérience : il ne faut pas se laisser faire dans ces situation, il faut se battre.

Ce qui nous reste à apprendre : comment faire pour se défendre. C’est une autre paire de manche, surtout que nous n’avions encore rien vu.

À suivre…