Wednesday, April 20, 2011

Abaisser sa garde



Dans un voyage comme on le fait, avec nos sacs à dos les plus légers possible, se transportant de ville en ville, de pays en pays, nous cherchons bien évidemment la découverte. La découverte des lieux et de la manière de vivre des habitants. La découverte des lieux va de soi, mais l'autre est un peu plus complexe. Il est difficile, voir impossible de saisir toute la subtilité des coutumes, des habitudes et de la manière de vivre d'une population simplement en l'observant de loin. Le meilleur moyen pour entrer plus en profondeur dans le sujet est d'entrer en contact avec les gens, pour qu'ils nous expliquent leur manière de vivre.

Lorsqu'un touriste blanc visite un pays où la majorité des gens sont noirs, latinos, arabes, asiatiques, etc. Le touriste détonne. Il est très facile à identifier, un blanc avec un sac à dos, des grosses lunettes de soleil, des sandales North Face et un gros coup de soleil dans la face ! On devient alors une cible facile pour ceux qui nous voient comme un porte-feuille bien garnis sur pattes.


Chaque pays est différent, en Amérique Latine par exemple, nous étions farouchement sollicités sur la rue par des adultes et même des enfants qui vendent toutes sortes de babioles. Ici, c'est différent. La tactique est beaucoup plus subtile ! La personne commence par te souhaiter la bienvenue, te serre la main en faisant les présentations. Ensuite, une discussion s'entame sur d'où on vient et sur ce qu'on vient faire au Ghana. Cette discussion peut durer plusieurs minutes et lorsqu'un certain lien de confiance s'est installé, la personne va, par exemple, nous indiquer qu'elle est artiste peintre, ou sculpteur de Bongos. C'est à ce moment que la partie "commerciale" entre en jeu, soit elle va nous montrer ses oeuvres, soit elle va essayer de nous trainer à son commerce ou nous montrer les bracelets personnalisés qu'elle peut faire pour nous... au gros prix bien sûr !

Si je peux ouvrir une parenthèse, je crois qu'il est tout à fait normal pour des gens dont la vie est difficle d'essayer de capitaliser sur cette occasion de faire un peu d'argent. Il faut aussi comprendre que la perception que les gens vivant dans les pays défavorisés ont de l'Occident est aussi biaisée que celle que les occidentaux ont de leur réalité. Donc pour un Ghanéen qui vis sans eau courante et qui chauffe un taxi 15h par jour pour s'arracher une vie, il est normal qu'il tente de nous charger 10 fois le prix pour la course, en tout cas moi je ferais pareil. Ces comportement qui chez nous seraient innaceptables sont ici, selon moi, justifiables étant donné les contextes de vie bien différents.

Ceci étant dit, en tant que visiteur, il nous faut tout de même se protéger contre ces sollicitations. Sinon, le voyage deviendrait pénible et on serait ruiné après une semaine ! On monte donc sa garde, un genre de bouclier contre ces solliciteurs. Quand une personne nous aborde, la première chose qui nous vient en tête c'est: "Que cé qu'il veut me vendre celui là ?" et on continue à marcher tout en lui répondant très brièvement. On éteint la discussion et, ce faisant, la relation le plus rapidement possible, pour qu'il n'ait pas le temps d'essayer de nous vendre quelque chose. Cette carapace est toujours présente. On est toujours suspicieux des intentions de la personne devant nous;

Et ça, ça nuit à la découverte.

Je dois aussi dire que beaucoup de personnes sont sincères et intéressées pour vrai à nous. À Kumasi particulièrement, nous avons été très souvent abordés dans la rue par des personnes qui semblaient simplement très heureux que nous ayons choisi de visiter leur pays. On a eu des discussions sans aucune sollicitation, les ghanéens sont très fiers de leur pays et ils veulent que les visiteurs se sentent bien. Ils insistent pour qu'on dise à tout le monde que le Ghana est sécuritaire et qu'il faut venir le visiter. Nous avons même vu à plusieurs reprise des passants aviser des solliciteurs d'arrêter de nous achaler.

L'autre soir, j'ai abaissé ma garde. Nous étions sur la terrasse d'un beau petit resort à Cape Coast, aux pieds du Golfe de Guinée. On finissaint notre bière alors qu'un ghanéen nous aborde de la manière traditionnelle, nous demandant d'où on venait.
- Du Canada
- Ah bon ! J'ai un oncle qui vit à Toronto. (J'aurais dù allumer à ce point)
- Est-ce que c'est vrai que Toronto est près du Michigan ?
- Oui, tout à fait.
- Mon oncle m'a aussi dit qu'il y avait plus de 300 personnes qui travaillaient dans la même compagnie que lui, CAT, est-ce que c'est vrai.
- Je crois que c'est plus que ça, mais oui c'est vrai !
Et ainsi de suite. Il semblait vraiment intéressé à en savoir plus sur le Canada et moi je l'étais d'en savoir plus sur le Ghana. J'avais enfin rencontré quelqu'un avec qui échanger !
On a parlé du Canada, du Ghana en général et de sa ville natale qu'est Elmina, notre prochaine destination. On a aussi parlé de sa volonté d'étudier en informatique pour démarrer un café internet et une librairie afin d'intéresser la jeune génération aux ordinateurs et à s'ouvrir sur le monde grâce à internet, pile dans mes cordes !
J'étais tellement emballé que je n'ai même pas allumé quand il m'a dit qu'il était un artiste, pas même lorsqu'il nous a sorti ses toiles à vendre. Et encore pire, j'ai remarqué que le signataire des toiles n'était pas lui mais je n'en ai pas tenu compte.
J'avais envie de faire une rencontre sincère !
À la fin de la soirée, j'ai pris son numéro de téléphone après qu'il nous ait invité à nous servir de guide à Elmina.

C'est en discutant avec Marjori, qui elle n'avait pas abaissé sa garde, que j'ai réalisé que mon nouvel ami n'était probablement pas sincère. Peut-être pas dans tout, mais pour moi si ce n'est pas dans tout, c'est dans rien. Son oncle au Canada... c'est peut-être vrai, mais peut être pas non plus. Et il voulait nous présenter sa famille à Elmina... je me dis que ça risque d'être n'importe quelle famille à qui il aura demandé de jouer la comédie.

Ce soir là, j'ai abaissé ma garde... et je me suis fait avoir.
Je suis un peu frustré et c'est ce qui m'a poussé à écrire cet article.

Un de nos prochains défis pour ce voyage sera d'apprendre à savoir quand abaisser sa garde.

8 comments:

  1. Article très intéressant qui nous porte à réfléchir sur l'authenticité, la sincérité mais également la distinction entre la sincérité et la naiveté, nécessaire pour l'émerveillement mais qui se doit d'être protégé pcqu'elles nous rendent vulnérable à la fourberie. J'aime bien le texte merci M. MMe. xx

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  2. Très juste. En fait, je pense que c'est le genre de situation que l'on ne peut pas prédire avant de partir mais qu'on vit une fois rendu sur place. C'est un beau défi qui fera appel à l'intuition afin d'être relevé.

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  3. En fait, ce qui me frappe surtout, c'est le besoin d'entrer en contact avec l'autre, avec la différence, pour la comprendre et la partager, sans doute...Il y a des faux artistes partout, il faut en effet apprendre à les reconnaître. Cependant, malgré tout,l'important, c'est la découverte, et ta démarche à toi était très sincère.

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  4. Petit mot pour alimenter votre réflexion :)
    Je ne suis pas sûre que parce que la personne souhaite en bout de ligne te vendre quelque chose qu'elle n'est pas sincère. Qu'est-ce que la sincérité, ça aussi on la regarde avec nos yeux... La culture est différente, fonctionne à sa manière. La personne ne cherche pas nécessairement à te piéger, c'est un peu notre compréhension de leur culture. Si tu as apprécié le moment passé avec elle, c'est ce qui est le plus important! Vous avez toujours le pouvoir de non à ce qu'elle cherche à vous vendre!

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  5. Salut Dominique !

    Ton point est très pertinent et j'ai ai bien réfléchi avant de te répondre. Ton raisonnement est bon et tu as raison, j'en ai retiré du bon de cette discussion malgré tout. Mais tu sais, de ton point de vue c'est difficile de voir comment ils s'y prennent. C'est vraiment une "technique de vente" qu'ils utilisent... et là je parle en général. Par exemple si tu visite un musée, ils t'attendent à l'entrée, te demandent ton nom et t'attendent quand tu ressorts, 1 heure plus tard, avec un coquillage personnalisé qu'ils te "donnent". Par contre, ils veulent que tu "commandites" leur équipe de soccer. C'est toujours pareil et c'est incessant. Je ne crois pas que ce soit culturel, c'est vraiment une technique de vente et c'est très sophistiqué.
    Ceci dit, j'ai vraiment réfléchis sur ton commentaire et au cours de notre voyage je vais non seulement essayer d'apprendre à abaisser ma garde au bon moment, je vais aussi apprendre à retirer du positif de ce qui me semble, à première vue, plutôt négatif.

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  6. Tu auras acquis après ce voyage plusieurs techniques de vente qui te pousseront peut-être à réorienter ta carrière. Si tu te pars en affaire, j'embarque...;)
    Très bon article qui porte à réflexion!
    Joelle

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  7. La prochaine fois, mon G, prépare-toi. Fais une couple de dessins a'ec ta plume. Présente-toi comme un artiste québécois et offre-lui une de tes oveuvres en échange d'une des tiennes.
    Sérieusement, je crois que se que tu as vécu, la baisse de la garde, la fébrilité suivi de la frustration, tous ce que tu vis au quotidien, te faits découvrir le pays. Ne précipite pas les choses. Tu découvres chaque jour un peu plus. La preuve, t'en connais crissement plus que moi sur le Ghana.
    J'vous embrasse et je vous prépare un cd de musique, que je vous vendrai pas cher à votre retour (enregistré avec la guitare à Marje).
    Après tout, je suis un artiste!
    Stéph. xxx

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  8. Salut J-F. Je vous lis dans mes temps libre et je trouve votre parcours vraiment intéressant. J'ai vécu ce sentiment aussi et c'est dur à décrire... l'impression de se faire avoir par une personne que tu tentes de connaitre, d'aider... C'est un sentiment à 2-3 niveaux. Moi j'ai ressenti la colère, la compassion... et je t'avoue que je découvre en te lisant que le tout n'est pas encore « processé »!
    Les « vendeurs », sont des pros, et vivent de ça et heureusement, ce n’est pas le cas de toute la population!

    Bonne découverte!
    Louis-Philippe

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