Sunday, May 29, 2011

African Power : Chapitre 4, Le « boss » du syndicat de taxi togolais

Après quelques jours à Lomé, on décide de partir dans la petite ville de Kpalimé, un peu plus au nord. On se rend donc à la station d’autobus. On fut surpris de revoir le couple d’américains rencontrés la veille. En discutant un peu, on apprend qu’ils vont aussi à Kpalimé.

La manière dont ça fonctionne au Togo, c’est un peu comme au Ghana. C'est-à-dire que dès qu’il y a assez de monde pour remplir un minibus (14 personnes) on part. Mais pas avant. Ce qui peut représenter plusieurs heures d’attente. Par-contre, il est aussi possible de partir en voiture. Il faut alors 6 personnes (oui oui, 6 personnes plus le chauffeur, 4 derrière et 2 devant). Comme on veut partir plus vite, on s’entend avec le couple pour acheter les 2 autres places dans la voiture, en plus de partir plus vite, on sera plus confortable. Marché conclut, on achète les billets, on mets les sacs dans le coffre et on s’asseoit dans la voiture. Ne manque plus que le chauffeur et on part !

Je dois mentionner qu’à notre arrivée, un groupe de 3 personnes sont arrivés. C’étaient des joueurs de soccer avec leur entraîneur. Ce dernier semblait très pressé de partir et il le criait littéralement par la tête des responsables du transport. Après avoir été assis dans le taxi, nous l’avons vu gueuler à quelqu’un en Ewe, la langue du Togo. Il avait l’air insatisfait que l’on quitte le bus car il savait dès lors qu’ils partiraient plus tard. Après quelques minutes, un homme vient ouvrir le coffre et tente de sortir nos sacs. On s’y oppose et demandons ce qui se passe. Un autre homme vient nous voir, très agressif et nous crie après :

« - Il faut prendre le bus

- Mais non, nous avons acheté toutes les places, on a payé et maintenant on part.

- Non, c’est moi qui contrôle ici et vous prenez le bus.

- Mais monsieur, pourquoi ? On a acheté toutes les places de ce taxi.

- Vous ne comprenez pas ou quoi ? C’est moi qui contrôle ici et vous devez prendre le bus.

- Ce qu’on comprend monsieur c’est qu’on a acheté les 6 places de ce taxi et qu’on veut partir maintenant.

- Non, la voiture est en mauvais état. Elle ne peut pas partir.

- Quoi ? Ça sort d’où ça ? C’est la voiture de taxi la plus en ordre qu’on a vu au Togo.

- VOUS NE COMPENEZ RIEN. C’EST MOI QUI CONTRÔLE ICI. »

Ca y est. Je me suis mis à voir rouge. Dans un bleu comme on dit. Je sens le sang me monter à la tête, l’adrénaline me pomper dans les veines, je pète une coche. Je me mets à lui crier après.

« - VOUS N’AVEZ PAS D’AFFAIRE À NOUS CRIER APRÈS MONSIEUR.

- VOUS ALLEZ ME PARLER CALMEMENT OU PAS DU TOUT

- C’EST TU CLAIR OSTI ? »

L’homme a un peu figé, il a considéré ce que je venais de lui dire et il s’est un peu calmé. Il m’a parlé doucement pendant 2 minutes avant de recommencer à crier après tout le monde. De mon côté, j’ai réalisé que ça ne vallait pas la peine de s’énerver, mais j’avais tout de même établi ma limite.

Pendant que l’américain négociait avec le Ti-Boss, je suis allé parlé avec le chauffeur, il m’a expliqué qu’il était prêt à partir, mais que Ti-Boss l’en empêchait. Je lui ai demandé si on pouvait l’engager directement, il a dit que oui. Parfait, maintenant, il faut réussir à se faire rembourser. Après quelques minutes de négociation nous sommes tous sortis de la voiture et nous sommes faits rembourser les 2 places supplémentaires que nous avions achetées pour louer la voiture. Le « deal » était que si l’autobus ne se remplissait pas dans les 5 prochaines minutes, nous partions même s’il manquait des gens. Sinon, on nous rembourserait. On donne donc nos bagages, on s’installe dans le bus et qui voit-on sacrer son camp dans une autre voiture ? Notre Ti-Boss de syndicat qui se sauvait. Vous ais-je déjà dit qu’il ne faut jamais croire un togolais ?

10 minutes plus tard, je vais voir l’homme au comptoir qui vend les billets et lui explique que l’on avait une entente, que le 5 minutes était excédé et qu’on voulait être remboursés. Il me disait qu’on était trop pressés et que ça ne faisait pas 5 minutes, après avoir fermement insisté et demandé un remboursement des 4 personnes dans le bus, il s’est mis à parler en Ewe à un autre. Ce dernier monte sur le toît du bus et commence à attacher les bagages.

« - Tu vois, on attache les bagages, le bus va partir maintenant.

- Bon, finalement. »

Je me rasseoit dans le bus et quelques temps plus tard, le moteur démarre. On ferme la porte et on part. 5 mètres plus loin, le véhicule arrête et le conducteur coupe le moteur. Le placier ouvre la porte.

« - Chauffeur, on part. Qu’est-ce qui se passe ?

- On attend de remplir le bus.

- Quoi ? »

Vous ais-je déjà dit qu’il ne faut jamais croire un togolais ?

Donc pour faire une longue histoire courte, parce que ça s’étire ici. Il a fallu acheter 2 bancs supplémentaires dans l’autobus pour partir plus vite. Ça nous a donc coûté le même prix que pour le taxi, mais pour l’autobus (beaucoup moins confortable) et pour partir 1h30 plus tard.

Donc, j’imagine que vous voyez où je veux en venir ; cet homme qui avait le pouvoir de décider ce que nous allions faire cet jour là l’a exercé de la manière la plus aggressive qu’il pouvait. Nous avions payé, tout était OK, on était prêts à partir. Il a vu une opportunité de dicter ce que nous allions faire afin de parvenir à ses fins (ici de satisfaire un autre client chialeux) et il l’a saisie tout de suite. On remarque aussi une constance dans l’attitude des gens lorsqu’ils s’affirment ainsi, ils deviennent aggressifs et très dominants. Nous avons vécu d’autres expériences de la sorte que je ne citerai pas ici mais c’est un élément qui fut aussi remarquable.

Il a ajouté à tout ça en nous mentant à plusieurs reprises pour arriver à ses fins. Ça c’est un autre aspect avec lequel il faut apprendre à vivre ici. Mais ceci dit, les togolais sont beaucoup plus forts sur la menterie que les ghanéens.

Je crois que c’est à partir de cette expérience que j’ai réalisé ce qui se passait, comment ça fonctionnait. J’ai regardé l’américain aller avec le Ti-Boss lorsqu’il lui parlait et j’ai profité de ses 7 mois d’expérience au Togo. J’ai réalisé qu’ici, tout fonctionne différemment de chez nous. Il faut tout négocier et c’est parfois très long. Il ne faut pas lâcher le morceau. Tout ça peut même être amusant.

Déprimant tout ça ? Non, seulement un peu déstabilisant. Je vous invite à lire le dernier chapitre de cette série pour savoir ce qu’on retire de ces situations.

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